Les élus locaux et chefs religieux s’engagent pour plus d’impacts
Bénin – Join For Water est actif à Grand Popo, une commune du sud qui abrite environ un tiers des zones de mangrove du Bénin, ainsi que de précieuses zones humides. Pour les protéger, notre partenaire Eco-Bénin répond aux coutumes culturelles et religieuses locales.
Au Bénin, le complexe RAMSAR 1017 fait partie des zones humides d’importances internationales qui procurent différents services écosystémiques pour les populations situées dans les communes qu’elles chevauchent. Parmi ces communes, la commune de Grand-Popo est une zone particulière. Elle abrite non seulement une grande partie des écosystèmes de mangroves du Bénin (plus de 30 %) et un écosystème fluvio-marin incluant l’embouchure du fleuve Mono au Bénin ainsi que la lagune de Grand-Popo. En effet ces écosystèmes abritent une diversité d’espèces dont la nécessité de protection a conduit à la création de la Réserve de Biosphère transfrontalière du Mono.
Conventions internationales
La Convention de Ramsar fait office de chef de file au niveau international dans la protection et l’utilisation durable des écosystèmes de mangroves. Une véritable coopération s’est ensuite développée entre Ramsar et des conventions telles que la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), la Convention du patrimoine mondial, la Convention sur la lutte contre la désertification et le Programme pour l’homme et la biosphère (MAB). Le Bénin ayant ratifié toutes ces conventions s’est ainsi engagé à protéger durablement les écosystèmes de mangroves à travers la prise en compte des textes et loi en la matière.
Les zones humides de la réserve subissent différentes pressions
Malgré cette multitude de mesures prises au niveau national comme international pour protéger l’écosystème de mangroves, la croissance démographique élevée a entraîné une hausse de la demande en service écosystémique lié à l’eau. Ainsi, les zones humides de la réserve subissent différentes pressions :
- l’exploitation non rationnelle des palétuviers comme bois de feu,
- l’ouverture des tranchées dans le plan d’eau pour mieux pêcher les poissons,
- l’installation anarchique des engins de pêche » acadja » qui encombre les plans d’eau,
- l’ensablement des plans d’eau,
- l’encombrement des eaux par les espèces envahissantes,
- l’élargissement des habitations,
- le recours aux feux de végétation pour la collecte de crabes…
Conséquences
Ces différentes pressions ont pour conséquences :
- la réduction du potentiel des ressources ligneuses et halieutiques (poissons, crevettes, huîtres…),
- la montée du niveau d’eau dans la lagune entrainant le jaunissement des feuilles de la végétation des mangroves,
- la raréfaction de la faune et de l’avifaune,
- la diminution des revenus des populations locales,
- la réduction de la disponibilité locale de l’eau et la pollution des eaux par insuffisance de services de régulation,
- la vulnérabilité accrue des populations aux changements de leur cadre de vie.
Ces dégradations sont exacerbées essentiellement par une insuffisance de cadres de dialogue social et de veille citoyenne ; un déficit de connaissances sur les services écosystémiques, les droits et devoirs sur les ressources en eau ; un déficit d’engagement des groupes d’influences ainsi que des acteurs locaux dans la bonne gouvernance des ressources naturelles et des écosystèmes.
Un rituel qui vise à protéger les écosystèmes
On peut alors dire sans se tromper que le recours aux textes juridiques pour la protection des ressources naturelles reste peu efficace après plus de trente (30) années de mise en application desdits textes et conventions par les acteurs de la conservation. Cependant, il existe dans la tradition des communautés locales de la Bouche du Roy, un système de régulation social très efficace en matière de protection des ressources naturelles. Il s’agit d’un rituel bien organisé qui vise à protéger les écosystèmes naturels en les plaçant sous la surveillance de la divinité Zangbeto, également appelée « gardien de nuit » ou autre divinité reconnue dans le milieu. L’ONG Eco-Bénin en collaboration avec les communautés locales et les chefs dignitaires des cultes endogènes l’ont expérimenté avec succès depuis 2015 sur un certain nombre d’espaces fragiles de la réserve, notamment dans les zones de mangroves.
En une décennie d’actions de sacralisation, les résultats sont probants. Neuf sites ont été sacralisés dans l’ACCB Bouche du Roy, couvrant ainsi 500 hectares de mangroves sous la protection de la divinité Zangbéto. Aucune infraction n’a été signalée sur ces sites. Source : Eco-Bénin : Rapports atelier sur sacralisation de mangroves _Juillet 2024

Notre partenaire Eco-Bénin ONG en synergie avec Louvain Coopération a développé un trajet de plaidoyer local pour consolider les pratiques efficaces de conservation durable des écosystèmes de mangroves au niveau de sa zone d’intervention. A cet effet, des séances de travail ont réuni les élus locaux, les chefs religieux, les groupes d’influences ainsi que les gestionnaires de la réserve pour renforcer leur engagement dans les actions de sacralisation et pour mettre à jour le protocole d’opérationnalisation. Ces séances ont permis aux acteurs d’identifier de façon participative de nouveaux sites à sacraliser dans la réserve.
Les rencontres organisées ont aussi servi de cadre de partage d’expériences entre plusieurs organes de gestion des aires de conservation qui se retrouvent dans les zones d’intervention de Join For Water et de Louvain Coopération :
« Ce que nous avons entendu ici nous incite à sacraliser toutes les zones de mangroves dans la réserve du Lac Ahémé », a affirmé AGNIDOZAN Maximilien, chef dignitaire du culte Zangbéto de Bopa (zone d’intervention de Louvain Coopération).
Trente potentiels nouveaux sites de sacralisation
Le processus de sacralisation se décompose en sept étapes :
- concertation avec les dignitaires et chefs du culte endogènes (Zangbéto et Avlékété),
- consultation du ‘’fa’’ pour déterminer le jour propice à la cérémonie,
- préparatifs cultuels pour la sortie de la divinité Zangbéto,
- sensibilisation de la communauté par la divinité,
- reconnaissance du site à surveiller,
- matérialisation physique du site par la divinité, et
- suivi de la zone par les adeptes.
Au cours de l’atelier portant sur l’évaluation de l’impact de la sacralisation; ces étapes ont été analysées et améliorées, avec l’intégration de nouvelles mesures telles que le renouvellement de la représentation de la divinité tous les six mois, l’analyse des pratiques culturelles des usagers des sites à sacraliser, et le renforcement de la collaboration entre chefs religieux des localités riveraines.
A l’issue de ce processus, 30 potentiels nouveaux sites de sacralisation ont été retenus dans la les zones d’intervention de Join For Water et de Louvain Coopération. Un comité ad’hoc procédera à la visite des sites identifiés pour sélectionner une quinzaine à sacraliser dans le cadre du programme.
« Ici, le Zangbéto est notre gendarme, notre police républicaine. Les règles de la divinité ont été respectées à la lettre, bien que cela nous ait parfois posé des difficultés. Les mangroves ont tellement évolué qu’elles ont obstruées certains canaux de passage, mais grâce à Eco-Benin et aux agents forestiers, nous avons pu dégager les branches et retrouver notre chemin », a déclaré KOUMADO Jean-Baptiste, président de l’Association de Conservation et de Promotion Doukpo.