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« On ne peut à peine se procurer un verre de pois de souche »

Distribution de semences au groupe de femmes appuyée par le CBVRM à Paskatabwa. (c) Céline Jacmain

HAÏTI – Haïti est en ébullition, Port-au-Prince, Gonaives, Le Cap Haïtien, plusieurs des grandes villes du pays sont chauffées à blanc sous la colère des manifestants qui n’en peuvent plus de survivre entre l’insécurité et la crise du carburant qui dure déjà depuis près de deux mois maintenant, paralysant toutes activités aussi bien sociales qu’économiques.

Dans le département du Nord-Ouest où Join For Water intervient, même si la vie semble plus calme et suivre son cours comme si de rien n’était, elle n’y est pas moins rude pour autant.  Le dernier rapport du Centre National de la Sécurité Alimentaire (CNSA) parle de 108 611 personnes dans le département du Nord-Ouest qui sont actuellement en situation d’urgence et 154 971 personnes en situation de crise alimentaire.

Et, cette situation n’est pas près de s’améliorer car, comme le précise le dernier rapport du Famine Early Warning Sytem (FEWS) d’Haïti, les prix des produits alimentaires continuent de montrer des fluctuations à la hausse influencés par l’inflation générale, la dépréciation de la gourde, le coût du transport et aussi par l’insécurité. Les prix des produits alimentaires restent entre 30 et 45 pour cent au-dessus de leur niveau de mai 2021 et de 80 à plus de 112 pour cent au-dessus de leur moyenne quinquennale. Cette tendance tend à se renforcer, tenant compte du contexte international actuel, caractérisé par le conflit Russo-Ukrainien perturbant les marchés mondiaux, en particulier ceux du carburant, des céréales et d’autres produits non agricoles. Ainsi, très dépendant du reste du monde pour tous ces produits (plus de 80 pour cent) et, compte tenu de la faiblesse du pouvoir d’achat des revenus, les conditions sont réunies pour une accentuation de la détérioration des conditions de vie en Haïti.

L’équipe de Join For Water en Haïti est très fière d’accompagner la Direction Départementale de l’Agriculture dans sa campagne agricole automne hiver avec 3 tonnes de pois de souche (une variété d’haricot), 3 tonnes de maïs et 6 tonnes de petit mil (sorgho). Mr. Luckner, planteur membre de l’Association des Irrigants de la Rivière Moustiques, dont le jardin se situe à Poste Métier, témoigne : « A cette époque c’est un véritable soulagement car on a besoin de semences ! Le prix d’une marmite de pois de souche par exemple est actuellement tellement haut que pour certain, même un verre, ils ne peuvent pas se le procurer. »

Et puis il y a la sécheresse

Cette campagne est d’autant plus critique qu’elle s’inscrit, en plus de la crise socio-économique, dans un climat de post-sécheresse. En effet les cultures d’hiver à cycle court comme le maïs et le haricot ont donné des rendements en dessous de la normale, en raison des déficits hydriques. Et, les revenus agricoles d’hiver et de printemps, respectivement en dessous et juste autour de la moyenne, dans un contexte de prix au-dessus de la moyenne, ont impacté significativement le pouvoir d’achat des ménages et donc leur accès alimentaire, étant très dépendants du marché pour leur consommation alimentaire.

Lors du lancement officiel de la campagne gouvernementale le 19 octobre – à la salle de réunion de la Direction Départementale de l’Agriculture en présence de plusieurs acteurs clés du secteur – le responsable du bureau agricole de Jean Rabel, l’une des trois commues appuyées par Join For Water dans le Nord Ouest, a témoigné qu’il n’avait pas de mot pour exprimer ce qu’il avait vu sur le terrain. « Malgré la crise de carburant, la direction départementale de l’agriculture a réussi à apporter les semences jusque Cabaret, à une centaine de kilomètres de Jean Rabel et de là, nous nous sommes débrouillés pour ensuite les acheminer jusque chez nous. »

Le chef de service de la production végétale de la DDANO s’est ensuite exprimé : « L’urgence est de mise : bientôt on va mourir de faim… Les marchés ne sont de moins en moins approvisionnés faute de carburant. Et, ce que l’on y trouve, est hors de prix pour les plus vulnérables… Si rien n’est fait, la situation va s’aggraver davantage.»

C’est ensuite, notre coordinateur des projets FED, GIRESECALM et PASANAPROS, qui a pris la parole et a commencé par remercier la Direction Départementale de l’Agriculture pour ses efforts continus dans la lutte contre l’insécurité alimentaire. Il a ensuite salué la présence de tous les acteurs actifs dans le secteur agricole avec, au premier plan, les planteurs ! Il a rassuré que Join For Water fera de son mieux pour contribuer à réduire la faim qui sévit actuellement dans ses zones d’intervention, tout en rappelant l’importance d’avoir une approche intégrée par bassin versant pour la protection des terres agricoles.

Enfin, c’est le directeur départemental qui a pris la parole pour lancer officiellement la campagne. Mais avant cela, il a voulu rappeler que son département a pour mission d’assurer une production alimentaire suffisante pour nourrir les 612 457 bouches du département. « Cette campagne permettra, espérons-le, de répondre assez rapidement aux besoins : d’ici 3 mois environ, la récolte devrait être possible, puis il y aura des arachides, du kalalu (gombo), des pois du Congo, des patates douces et des haricots. Et nous ferons en sorte que le plus grand nombre possible d’agriculteurs puissent obtenir un seau de semences. »  Il a particulièrement remercié Join For Water pour la collaboration.

A l’heure où ses lignes étaient écrites un des techniciens agricoles de notre partenaire ODRINO se faisait attaquer à mains armées… Heureusement, il n’y a pas eu de heurts physiques.
Et la pluie tombe…
Les paysans doivent planter…
Grand goût…

 

 

Dans le bassin versant Moustiques, les femmes sont au premier plan 

Le Comité de bassin versant de la rivière Moustiques, partenaire de longue date, s’est proposé de faire bénéficier les 100 femmes qu’il encadre déjà pour l’amélioration de la production maraichère dans 5 zones du bassin.

Ces femmes sont souvent des cheffes de famille mono parentale avec plusieurs enfants à nourrir dont, si on en croit les statistiques, 5/10 seraient en situation d’insécurité alimentaire.

 

Haïti De vrouwen in Paskatabwa
L’appui va permettre d’augmenter les superficies emblavées et ainsi contribuer à garantir une certaine sécurité de leurs revenus. (c) Céline Jacmain

Elles sont toutes ravies de cet appui inattendu, d’autant plus que ces semences sont de meilleure qualité que ce qu’elles ont l’habitude de planter. Cet appui va permettre d’augmenter les superficies emblavées et ainsi contribuer à garantir une certaine sécurité de leurs revenus. Tout cela en améliorant l’autonomisation des femmes car en plus de formations sur les techniques agricoles (y compris la production de composte et la lutte biologique) et les principes d’économie solidaire, ces groupes sont d’excellentes portes d’entrées pour développer une forme de leadership pouvant favoriser une effective émancipation des femmes.

Enfin, notons que l’on espère que cela facilitera le démarrage de leur groupe Tipa Tipa d’économie solidaire. En effet, Join For Water, a récemment initié avec ces femmes, la mise en place de groupes d’épargne et de crédit basés sur des activités communautaires telles que le maraichage. Voir également Tipa Tipa, pas à pas

Gageons, que les pluies tombent, que la récolte soit abondante et que ces femmes, en plus de faire manger à leur famille puisse générer des revenus de leur travail !

 

Texte original : Céline Jacmain

 

Avec le soutien de la province du Brabant flamand

Provincie Vlaams Brabant