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Témoignage

Afin de revendiquer tes droits, il faut les connaître

Les femmes maliennes veulent un accès équitable aux ressources telles que l'eau, c'est leur droit. (c) Yassi Diabi / Dirk Glas

Le fait que les femmes soient si peu conscientes de leurs propres droits est le plus grand défi auquel Awa Traore est confrontée dans son travail. Awa travaille pour Join For Water au Mali en tant que conseillère thématique spécialisée dans le genre. Elle parle de son approche et de la situation des femmes qu’elle rencontre dans les villages où Join For Water est active.

Comment tu t’es spécialisée dans le genre ?
Awa : « En 2019, j’ai suivi une formation sur le genre, en particulier sur la facilitation des questions de genre. À partir de là, j’ai été nommée point focal genre au sein de l’organisation. Cela m’a motivée à intégrer d’avantage ces questions de genre dans mon travail quotidien, afin que les besoins des femmes soient mieux pris en compte. Join For Water veut que personne ne soit laissé pour compte dans la réalisation de l’accès à l’eau, et les femmes sont certainement encore un groupe défavorisé à cet égard. Join For Water a élaboré une charte sur le genre, que le personnel et les organisations partenaires approuvent. Ils s’engagent à respecter les principes d’égalité entre collègues et au sein de l’organisation elle-même, mais aussi dans les activités que nous menons. »

Awa organise régulièrement des groupes de discussion auxquels seules les femmes participent. Grâce à la sensibilisation et aux jeux de rôle, les femmes deviennent plus conscientes et plus fortes. Il est à noter que les femmes parlent moins librement en présence des hommes. C’est pourquoi Awa apprend beaucoup sur les questions et les besoins spécifiques des femmes lors de ces réunions et constitue également une bonne caisse de résonance pour elles.

Un poste clé

Ce qui l’a motivée à rejoindre Join For Water en 2013, c’est que cette organisation travaille vraiment pour garantir l’accès à l’eau. Awa avait déjà des expériences précédentes dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, et son rêve était de continuer dans ce secteur, afin de contribuer à des solutions pour les nombreux défis du WASH* dans son pays.

Quel est le plus grand défi pour vous ?
« Que les femmes ne connaissent tout simplement pas leurs droits parce qu’elles sont trop peu informées. C’est pourquoi nous menons des campagnes de sensibilisation et renforçons la position des femmes, en premier lieu en les informant de leurs droits. Ce n’est que lorsqu’elles connaissent leurs droits que les femmes peuvent les revendiquer. Elles ne savent pas non plus que la participation aux instances de prise de décision est un droit. Dans les comités de gestion d’un point d’eau par exemple, les femmes occupent des postes secondaires comme secrétaire. Pour faire entendre leur voix par rapport aux décisions à prendre, les femmes doivent occuper des postes clés comme président ou trésorier.

Nous travaillons également avec les hommes sur cette question. Nous les sensibilisons sur les droits des femmes, nous les impliquons dans tout le processus d’intégration du genre. Ainsi, nous diminuons les pesanteurs socioculturels entrainant les inégalités et nous assurons la durabilité et l’équité dans nos interventions. Nous avons formé aussi nos partenaires sur le terrain pour qu’ils puissent à leur tour former et sensibiliser les communautés locales. »

Comment tu t’assures que les femmes peuvent s’exprimer librement pendant les groupes de discussion ?
« L’information est donnée par les partenaires à l’avance au chef de village, qui à son tour informe la présidente des femmes pour qu’elle mobilise les autres femmes. Si nous respectons la hiérarchie existante et transmettons nos informations, la participation des femmes ne pose alors aucun problème. »

« Je tiens toujours compte de la disponibilité des femmes. Nous nous rencontrons à un moment de la journée où elles ne sont pas occupées par le ménage ou les enfants. Je leur offre un environnement sûr où elles peuvent parler librement et où personne d’autre ne peut les écouter ou les juger. Elles n’ont pas non plus à craindre que leur vie privée soit violée, car tout reste entre nous. Le fait que je sois moi-même une femme et que je puisse partager mes propres expériences en tant qu’enquêtrice est également très utile. »

Des proverbes et des chansons

Comment se déroulent les séances avec les femmes d’un village ?
« Les séances ont souvent lieu à l’ombre d’un arbre et durent deux heures au maximum. Nous commençons par des exercices énergisants pour motiver les femmes. Nous utilisons des jeux de rôle pour aider les femmes à mieux comprendre l’égalité de sexe et pour les encourager à examiner leur propre situation. Prenons les proverbes de genre ou les chansons localement pertinents et qui illustrent les différences au sujet de l’égalité entre hommes et femmes. Ils donnent lieu à une activité amusante qui explore comment les idées sur les femmes et les hommes sont créés et renforcés par les coutumes sociales. Au Mali, il y a un proverbe qui dit « la femme est le pantalon de l’homme » c’est à dire qu’elle le protège et cache ses forces et ses faiblesses. Nous demandons aux femmes d’analyser ce proverbe et de donner leur point de vue. Grâce à ces jeux, les femmes comprennent qu’elles manquent souvent d’informations ou ne sont pas impliquées dans la prise de décisions qui les concernent également. »

 

Een groep vrouwen komt samen in een Malinees dorp
Dans un groupe de discussion conduit par un homme, les femmes s’expriment moins librement. (c) Awa Traore

Qu’est-ce qui vous inspire dans votre travail quotidien et dans les actions de Join For Water au Mali ?
« Les femmes s’occupent de l’ensemble du ménage et des enfants, mais ce travail n’est pas valorisé. Les discussions de groupe ont révélé de nombreux défis liés aux conditions de vie des femmes. Cela me motive à relever ces défis et à œuvrer pour l’égalité des sexes et l’accès aux ressources pour tous. »

Pour conclure, Awa raconte l’histoire d’une femme qui l’a profondément touchée lors d’un entretien d’analyse genre.

« Elle m’a raconté qu’elle devait tout gérer à la maison, et un jour, son enfant est tombé malade. Elle a demandé à son mari de payer l’ordonnance, mais il lui a répondu de se débrouiller parce qu’il n’avait pas d’argent. Cette situation l’a profondément marquée, et elle pleurait en me racontant cela. Cela m’a émue. C’est un exemple frappant du poids des responsabilités qui pèsent sur les femmes sans reconnaissance par les hommes. »

Merci, Awa, pour le témoignage et pour le merveilleux travail que tu fais.

* WASH = WAter Sanitation Hygiëne – Eau Assainissement Hygiène